Un avis était attendu lors du CSE Central du 14 octobre 2025 sur la politique sociale 2024 de l’entreprise, fondée sur l’ensemble des rapports obligatoires : bilan social, égalité professionnelle, formation, emploi des personnes en situation de handicap, apprentissage, 1% logement, santé, sécurité et conditions de travail.

Face à la richesse et à la complexité de ces thématiques, le CSE Central a mandaté le cabinet APEX-ISAST pour réaliser un rapport d’expertise approfondi.

Mais au-delà des chiffres, les élus CFDT ont tenu à exprimer leurs inquiétudes : baisse continue des effectifs, réorganisations à répétition, durcissement des procédures disciplinaires, et un dialogue social de plus en plus fragilisé.

Dans leur déclaration, les élus CFDT appellent la direction à remettre l’humain au cœur des transformations et à rétablir un vrai dialogue social fondé sur la confiance et la transparence.

Déclaration CFDT lue en séance :

Les élus du CSE central sont consultés ce jour sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, dans le cadre de la consultation annuelle obligatoire.
Les élus CFDT se déclarent favorables aux conclusions du rapport sur la politique sociale 2024, présentées en séance plénière par le cabinet APEX, à la demande du CSE central.

Cependant, malgré certaines avancées, la consultation 2024 met en évidence plusieurs tendances structurelles préoccupantes, notamment en matière de gestion de l’emploi, et de qualité du dialogue social.

Depuis 2020, l’entreprise connaît une érosion continue de ses effectifs en CDI, avec une perte de 903 postes entre fin 2020 et fin 2024.
Cette diminution, bien qu’intervenant sans plan de licenciement collectif, résulte principalement du non-remplacement des départs, en particulier des départs à la retraite.

Les multiples réorganisations ont par ailleurs conduit une part importante du personnel à changer de direction.
Le projet de transfert de site prévu dans le cadre du schéma directeur immobilier en Île-de-France risque, lui aussi, d’aggraver les conditions de travail de nombreux salariés.

Les élus CFDT demandent à être entendus par la direction sur ces transformations successives qui, au nom d’une recherche permanente de productivité et d’optimisation financière, génèrent perte de repères, souffrance au travail et fatigue organisationnelle.
Nous réaffirmons la nécessité de remettre l’humain au cœur des transformations, en laissant aux équipes le temps d’assimiler les changements : s’approprier une nouvelle organisation, digérer les formations avant d’enchaîner sur d’autres, ou absorber sereinement les nouvelles activités ajoutées lors des réorganisations (comme celle de la DOCC).

Les élus CFDT s’interrogent également sur le recours croissant à la sous-traitance, souvent privilégié au détriment de l’embauche en CDI.
Ils demandent une information régulière, transparente et détaillée sur la nature des prestations externalisées et sur les critères qui motivent ces choix.

En tant que garante des conditions de travail, la DRH doit assumer pleinement son rôle d’arbitre, en veillant à un équilibre entre impératif métier, performance, emploi durable et développement des compétences.

Nous rappelons que l’avis rendu porte sur les données de l’année 2024, alors que près de dix mois se sont déjà écoulés. Il est donc indispensable de mettre ces éléments en perspective avec la réalité de 2025.

Si l’année 2024 a été marquée par une hausse des licenciements pour faute grave, justifiés dans le cadre de la campagne de lutte contre la fraude, l’année 2025 semble malheureusement s’inscrire dans la même dynamique.


En effet, les représentants CFDT constatent une augmentation significative des convocations à des entretiens préalables à licenciement, signe d’une accélération des procédures disciplinaires.

Lorsqu’une faute grave est avérée (fraude, harcèlement, etc.), des mesures fermes s’imposent.
Mais lorsque les dossiers se multiplient et que les motifs paraissent déconnectés de la situation ou difficilement compréhensibles, l’inquiétude grandit.

Il semble que la direction ait adopté une nouvelle manière de procéder, ce qui constitue un signal particulièrement préoccupant pour la CFDT :
• Des salariés écartés brutalement ;
• Des procédures menées de façon quasi automatique ;
• Des décisions prises sans laisser au collègue et à son représentant une réelle possibilité d’en modifier l’issue.

Ce mode de gestion engendre un climat de suspicion et détériore la confiance entre les équipes et la hiérarchie.

Par ailleurs, le retour après une longue absence pour raison de santé reste un moment délicat, qui mérite une attention particulière.
Les retours d’expérience montrent que les dispositifs actuels pourraient être renforcés, notamment en matière de communication, de préparation du retour et de coordination entre les différents acteurs (managers, RH, médecine du travail).
Un accompagnement plus humain, individualisé et anticipé est indispensable pour permettre une reprise durable et dans les meilleures conditions.

Concernant le télétravail, l’application de l’accord négocié en 2024 et mis en œuvre en 2025 ne respecte pas toujours l’esprit initial de la négociation.
Alors qu’il devait apporter davantage de flexibilité et renforcer la cohésion collective, son interprétation actuelle tend au contraire à rigidifier l’organisation.
De plus, son déploiement semble s’aligner sur les contraintes du projet immobilier plutôt que sur les besoins réels des activités et des salariés.
Enfin, les spécificités des salariés en situation de handicap ne sont pas suffisamment prises en compte, malgré les dispositifs annoncés pour le maintien dans l’emploi.

Pour la CFDT, un accord n’a de valeur que s’il est appliqué loyalement et dans l’esprit qui a guidé sa négociation.
Un statut social convenable ne suffit pas à garantir le bien-être au travail : il doit s’accompagner de conditions de travail respectueuses, équilibrées et compatibles avec les exigences économiques de l’entreprise comme avec les attentes légitimes des salariés.

De plus en plus de collègues dénoncent un double discours : celui d’une entreprise qui, à l’extérieur, affiche de grands engagements en matière de responsabilité sociale, de soutien aux aidants ou de lutte contre le cancer, mais qui, en interne, multiplie les signaux contraires.

Les élus CFDT appellent la direction à renouer avec un dialogue social sincère, constructif et respectueux des salariés et de leurs représentants.
Ils seront particulièrement vigilants sur les chiffres et les pratiques observées en 2025, notamment concernant la gestion des situations individuelles sensibles.

Pour l’ensemble de ces raisons, les élus CFDT ont rendu un avis défavorable sur les bilans sociaux 2024 présentés dans les trois CSE de périmètre, et votent favorablement la résolution commune du CSE central.

 

Les élus CFDT ont également contribué à la rédaction de la résolution, approuvée à l’unanimité, à laquelle la direction devra apporter une réponse :

Le CSEC est consulté ce jour sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, au titre de la consultation annuelle obligatoire. Son avis se fonde sur les documents présentés par la Direction sur la politique sociale, ainsi que sur le rapport, réalisé à sa demande, par le cabinet Apex, dont les conclusions ont été présentées en réunion plénière.

Les Elus constatent une multiplicité des réorganisations qui sont mises en œuvre au sein de l’UES et qui impactent considérablement les directions, les conditions de travail, les équipes et les emplois.

Les salariés vivent désormais aux rythmes des réorganisations successives sans qu’une orientation ne soit clairement définie. Il est donc impossible de savoir quand cette refonte globale sera achevée et donc quand une accalmie aura lieu.

Le CSEC constate que la direction tend à recourir de plus en plus à de simples présentations d’information concernant des ajustements ou réorganisations, en minimisant les impacts réels sur les équipes, les emplois ou les conditions de travail.

Cette approche a pour effet de contourner le principe de consultation des instances représentatives, en réduisant le rôle du CSEC à une simple chambre d’enregistrement. Elle nuit à la qualité du dialogue social et à la capacité des représentants du personnel d’exercer pleinement leurs prérogatives.

Le CSEC réaffirme que toute évolution, même présentée comme “mineure”, doit être accompagnée d’une évaluation transparente et complète de ses conséquences, et faire l’objet d’une véritable consultation préalable. Il appelle la direction à rétablir un cadre d’échanges loyal et constructif, garant de la confiance et de la cohérence du dialogue social.

Dans un premier temps les Elus s’interrogent :

  • Quelle est la trajectoire cible pour les 3 prochaines années en termes d’effectifs ?
  • Quelle est la trajectoire globale de l’organisation cible ?

Le CSEC souligne également le manque de visibilité sur la trajectoire globale de l’organisation. Les projets sont présentés de manière fragmentée, sans vision d’ensemble ni articulation claire entre eux, ce qui empêche d’en mesurer les effets cumulés et la cohérence stratégique.

  • Quel est l’objectif de ce morcèlement ? Quelle est la cible finale ?

Evolution de l’effectif interne

Le CSEC constate une érosion de l’effectif CDI depuis le rapprochement de Malakoff Humanis et Médéric qui se poursuit sur 2024 (-903 CDI, soit -9% entre fin 2020 et fin 2024), en raison d’une partie des départs en retraite non remplacés. Parallèlement, les mouvements du personnel au sein de cet effectif se sont accrus car 16% de l’effectif (soit 1 374 personnes) a été concerné par un changement de direction en 2024. S’agissant plus précisément de la population des gestionnaires, le CSEC constate un net recul de l’emploi « gestionnaire de prestations » en 2024 (-148 CDI entre fin 2023 et fin 2024).  Le CSEC demande alors qu’une attention particulière soit portée pour éviter qu’une intensification du travail et donc une dégradation des conditions de travail, accompagne le non-remplacement de salariés sortants, pour les équipes encore en place. En effet, le CSEC rappelle que si un collectif de travail stable permet entraide et régulation des difficultés, en période de transformations, mêmes modestes, ce collectif mouvant peut générer des pertes de repères et un allongement des temps de traitement.

Une réduction d’effectifs de près de 600 personnes, en phase d’accélération : n’est-ce pas un plan social déguisé ?
Cela soulève la question d’un détournement des procédures via :

  • des mobilités internes contraintes,
  • des ruptures individuelles,
  • ou des départs « volontaires » non remplacés.

Aujourd’hui dans le cadre de l’augmentation des licenciements pour faute grave (doublement), l’employeur a-t-il mis des protocoles en place ?

Les élus s’interrogent sur la transparence des pratiques et le respect du cadre légal en matière de réorganisation et de gestion des emplois.

Au regard de la pyramide des âges et de la fracture numérique doit-on y voir un profil de départ ciblé ?

La question se pose également sur l’utilisation des procédures de licenciement individuelles pour mettre en œuvre ces orientations. Les Elus constatent en effet que certaines directions sont plus impactées que d’autres par les licenciements :

  • Les gestionnaires de prestations subissent une réduction d’effectifs et une baisse de rémunération,
  • La DAF enregistre 17 démissions en un an, symptôme d’un malaise organisationnel.

Les élus craignent que des licenciements individuels servent à accompagner silencieusement la restructuration.

Politique de rémunération et égalité professionnelle

Sur le sujet des rémunérations, le CSEC note que l’attribution de montants planchers en 2022, 2023 et 2024 au titre des augmentations générales a pu avoir pour effet de limiter les effets de l’inflation pour les plus bas salaires.

Pour l’attribution des primes commerciales, le rapport réalisé par notre expert fait apparaître un point de vigilance quant à la situation des conseillers commerciaux. Il faut revenir à des objectifs réalistes et atteignables (Spécifiques Mesurables Acceptables Réalistes Temporel) et portés à la connaissance des collaborateurs dès janvier.

En matière d’égalité femmes-hommes, le rapport réalisé par Apex fait de nouveau apparaître la nécessité de poursuivre les actions engagées en faveur de l’égalité professionnelle au regard des écarts encore observables entre la dispersion salariale des femmes et celle des hommes au sein des classifications cadre et en particulier pour la classe 6 (10% d’écart pour le 9ème décile de la classe 6) et au sein des familles métiers relevant de la gestion de projet (10% d’écart pour le 9ème décile) et du management d’activité (15% d’écart pour le 9ème décile). Le CSEC souhaite par conséquent être en mesure de suivre, à échéance régulière, les indicateurs permettant de suivre les mesures figurant dans l’accord d’égalité professionnelle et notamment la féminisation et la promotion au sein des classes 7 et 8.

Sujets SSCT

Concernant les sujets liés à la santé des salariés, l’absentéisme, malgré une baisse en 2024, reste un sujet de préoccupation notamment sur l’allongement des durées des arrêts longs, qui peuvent rendre difficile le retour au travail de ces salariés. Le développement de l’IA reste également un sujet de préoccupation, notamment sur l’impact des métiers dans les années à venir. La direction identifie 20 % de la population salarié pouvant être exposé à des risques de rupture numérique. Le CSEC demande une cartographie et les critères de cette évaluation et les mesures prises afin d’accompagner ces risques identifiés. Sur le recrutement des commerciaux, le CSEC note l’ambition commerciale de la direction. Cette ambition de conquête, moteur pour les commerciaux devrait s’accompagner d’un dispositif de suivi concernant les conditions de travail, afin de mesurer le sur-engagement potentiel, lié à ces métiers.

Politique senior

L’emploi des séniors est une de nos préoccupations majeures au regard du contexte législatif en cours d’évolution. Une inquiétude grandissante d’autant plus que la typologie moyenne du Groupe fait ressortir une moyenne d’âge de 48 ans. En parallèle aux enjeux de renouvellement de pyramides des âges et de l’évolution des métiers, le CSEC souhaite que la direction s’engage davantage sur le sujet et lui demande :

  • Au moment de l’ouverture des prochaines négociations sur le sujet, un diagnostic de la situation des salariés de plus de 50 ans,
  • Un renforcement des dispositifs existants de transmission des savoirs et des compétences,
  • Une attention particulière de la direction sur l’accès à la formation des salariés de plus de 50 ans et notamment, les actions de formation en lien avec leur employabilité.

En conclusion,

Les documents révèlent une restructuration insidieuse, menée sans cadre social explicite, ce qui rend difficile l’identification d’un projet cohérent et d’une politique d’emploi lisible.

Les élus demandent donc :

  • plus de transparence stratégique,
  • un dialogue social renforcé sur les conséquences humaines des transformations,
  • la prévention des licenciements déguisés via des mobilités internes non volontaires,
  • un suivi régulier des indicateurs sociaux et des mesures d’accompagnement.

En somme, la restructuration actuelle de Malakoff Humanis apparaît comme un processus continu de rationalisation où la dimension humaine (sécurité de l’emploi, stabilité, conditions de travail) reste insuffisamment encadrée, au risque d’une érosion du climat social et d’une fragilisation durable du collectif de travail.